Le vote au féminin
LE V♀TE AU FÉMININ
Considérer
la femme dans la société, c'est considérer ses droits. Depuis toujours "dominée"
par l'homme, du moins socialement, la femme n'a que récemment acquis son
indépendance et son autonomie juridique. Cette reconnaissance en tant qu'individu
autonome et éclairé, apte à s'exprimer, n'a été engagée qu'au moment où
l'homme, en sa qualité d'époux, de père, a daigné douloureusement affranchir la
femme de ses simples obligations ménagères. Quelle meilleure reconnaissance que
celle de la liberté d'expression, affranchie de la tutelle masculine, patriarcale,
maritale.
Conformément
à l'esprit de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, dans laquelle l'universalité des
droits s'arrêtait aux courbes du genre, le droit de vote des femmes ne fut
accordé qu'à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, après que ces dernières ont prouvé leurs capacités et pleinement
contribué à la survie d'une nation entière. Ce n'est que contraints et pressés
par une majorité de la population jusqu'alors aphone, que les hommes ont
redonné toute la dimension et la qualité du mot universel à notre Déclaration.
Cette
reconnaissance sociale et politique, longtemps revendiquée, quémandée,
légitimement désirée, ne s'est réalisée qu'après un long processus de débats
politiques unigenres. Au fil des années, et après une phase d'adaptation, la
citoyenne prit toute la dimension qui lui revenait en devenant, non plus une
frange instrumentalisée de l'électorat, mais une composante à part entière. Rapports
complexes entretenus entre ce droit et leur détentrice, le vote féminin a
évolué pour se hisser aujourd'hui comme enjeu électoral incontournable et
autonome.
Quand vote s'accorde
au féminin,
1. Bref rappel historique français du
droit de vote des femmes
L'histoire du vote des femmes est une bataille qui a
commencé dès le XVIème siècle. Mais ce n'est qu'au XVIIIème siècle que le combat
s'est réellement engagé avec les premières passes d'armes de la célèbre Marie
Gouze, plus connue sous le nom d'Olympe de Gouges.
Née
en 1748, cette femme de lettres et politique s'est toute sa vie prononcée en
faveur des droits civils et politiques des femmes et pour l'abolition de
l'esclavage.
Défendant
ce qu'on appellerait anachroniquement aujourd'hui la parité, elle est célèbre surtout
pour avoir présenté à Marie-Antoinette en 1791 la célèbre déclaration des
droits de la femme et de la citoyenne. Elle déclara en introduction de sa
présentation à la reine : "la femme
a le droit de monter sur l'échafaud, elle devrait aussi avoir le droit de
monter à la tribune". Guillotinée, en 1793, pour avoir été reconnue
coupable de trahison, elle laissa cependant une marque révolutionnaire
indélébile dans la conscience collective de la société française en matière de reconnaissance
des droits civiques des femmes.
Ce
n'est qu'en 1876 que le flambeau fut significativement repris par la Fondation du premier
groupe suffragiste français : "le droit des femmes", mené par
Hubertine Auclert. En 1878, cette fondation organisa à Paris le Congrès
International sur les droits des femmes et lança un Journal intitulé "la Citoyenne" qui
connut un large succès. Ces initiatives marquèrent le début de débats acharnés.
C'est face à l'ampleur sociale et à la concrétisation des revendications que les entraves politiques ont commencé. Tout d'abord en 1903, un vote unanime du Parlement, rejette le projet de loi de Gautret accordant le droit de vote aux femmes majeures, célibataires, veuves ou divorcées, malgré l'influence grandissante et la pression du Conseil National des Femmes, autoconstitué par la Fondation.
Trois
ans plus tard, une seconde tentative soumise au Parlement par Paul Dussaussoy
prévoyait le droit de vote des femmes pour les élections municipales, les
conseils d'arrondissement et les conseils généraux. Le projet fut avorté, après
un débat passionné entre parlementaires.
En
1909, Jeanne Schmahl créait à Paris l'Union Française pour le Suffrage des
Femmes (UFSF), structurant un peu plus les groupes suffragistes féminins.
En
1919, avec plus de succès, un projet de loi fut soumis à la Chambre des Députés (actuelle
Assemblée Nationale) qui se prononça en faveur de droits politiques pour les
femmes, mais le Sénat refusa d'examiner le projet et celui-ci fut rejeté. Plusieurs
épisodes similaires (1925, 1927, 1932) placent la Chambre des Députés comme
défenderesse des droits civiques féminins, et notamment en 1936, quand, à
l'unanimité, la Chambre accorda le vote aux femmes, projet qui ne sera cependant jamais inscrit à
l'ordre du jour par le Sénat.
C'est
plus d'un siècle après les premières revendications d'Olympe de Gouges, un
certain 21 avril 1944, et sur promesse du Général de Gaulle, que le droit de
vote est finalement accordé aux femmes
par le Gouvernement provisoire de la République Française,
confirmé par l'ordonnance du 5 octobre de la même année. Ce nouveau droit civique
sera exercé un an plus tard, le 29 avril 1945 pour les élections municipales,
puis en octobre pour les élections à l'Assemblée constituante (actuelle AN).
2. Les électrices françaises et les
électrices internationales
L'octroi du droit de vote aux femmes françaises n'a été que tardivement reconnu comparativement à d'autres Etats. C'est en Nouvelle-Zélande que les premières électrices votèrent, en 1893. En Europe, c'est aux Finlandaises, à qui en 1906, leur fut reconnue cette qualité. Puis, vinrent l'URSS et certaines provinces canadiennes en 1918, les Etats-Unis d'Amérique l'année suivante, la Pologne en 1921, le Brésil et la Thaïlande en 1932, la Turquie en 1934, le Royaume-Uni en 1939. Ce n'est que cinquante-trois ans après la Nouvelle-Zélande, en 1944, que la France, Pays des Droits de l'Homme, reconnaît ce droit civique à ses concitoyennes.
Entre 1945 et 1948, la Hongrie, l'Indonésie, le Japon, l'Italie, Israël, l'Argentine, la Belgique reconnaissent également cette qualité aux femmes, puis la Syrie et le Pakistan en 1954, l'Espagne après la chute de Franco en 1975, et plus récemment les Emirats Arabes Unis, le Koweït et le Bhoutan.
QUAND LE VOTE DEVIENT FÉMININ
Analyse quantitative
du suffrage féminin
La
part des femmes dans l'électorat français est une donnée fondamentale trop
souvent minorée par les politologues, faussant une analyse fiable des résultats
et évolutions électorales. Pour mieux appréhender le poids politique des femmes
et donc leur efficience électorale, une approche quantitative doit être
engagée.
La population française est passée de quarante huit millions en 1965 à plus de soixante deux en 2007. Les femmes légèrement plus nombreuses en France que les hommes représentent 51,5% de la population. Plusieurs raisons expliquent ce constat, notamment une espérance de vie à la naissance plus longue.
Cette
surreprésentation démographique se retrouve également dans la composition du
corps électoral français. En effet, le corps électoral féminin représentait en
2007 un peu plus de 52 % des électeurs, soit un peu moins de vingt-trois
millions cinq cent mille électrices, ce qui -quantitativement- correspond à
plus de deux millions de votes féminins de plus que les hommes. Il s'agit donc
d'un potentiel électoral féminin (des électrices inscrites sur les listes
électorales) supérieur de 9,5% à celui des hommes pour les dernières présidentielles.
Cependant, ces données ne permettent pas en l'état d'estimer leur poids électoral effectif. En effet, les inscrits correspondent au potentiel électoral, tandis que les votants représentent évidemment plus fidèlement le poids électoral féminin. Le nombre de votants est calculé en déduisant du nombre des inscrits les abstentionnistes, donc les inscrits non votants.
Aux dernières élections présidentielles de 2007, le taux d'abstention des femmes a été légèrement plus important (17%) que celui des hommes (15,5%)..
Toutefois,
lorsque l''on observe le potentiel électoral féminin (donc les femmes inscrites)
et que l'on y intègre la variable "abstentionniste", il est possible
de définir la surreprésentation effective des femmes. Pour cela, il suffit de
déduire des inscrits les abstentionnistes par classes. Cette équation donne la
surreprésentation effective des votantes par rapport aux votants.
En
2007, le corps électoral féminin a perdu 31% de sa surreprésentation entre son
potentiel inscrit et ses votantes, ce qui correspond à une surreprésentation
effective de 7,8%.
En
résumé, pour les dernières élections présidentielles de 2007 :
44.472.363 inscrits sur les listes
électorales
dont
23.347.990 inscrites soit 52,5 % du corps
électoral
Potentiel
électoral initial = + 2.223.618 soit +
9,5 % par
rapport aux hommes
Abstention
féminine = 3.969.158 soit 17 % du corps électoral féminin inscrit
Effectivité
électorale = 19.378.832
votantes
+ 1.528.737 soit + 7,9 % par rapport aux hommes
(-31 %)
Donc,
en raison d'une abstention plus forte chez les femmes que chez les hommes, leur
surreprésentation a été réduite à plus 1.500.000, soit au final 7.8% de plus
que les hommes, avec donc une surreprésentation réduite de 31%.
Cette
analyse permet de mettre en avant le poids considérable de l'électorat féminin.
QUAND LE VOTE FÉMININ
S'EMANCIPE
Historique
sociologique du suffrage féminin
Droit
civique récemment accordé, les femmes ont apprécié son exercice de diverses
manières au fil des années. Afin d'appréhender justement cette évolution, deux
critères peuvent être retenus pour l'analyser : le vote de gauche et
l'abstention. Le premier est révélateur d'une évolution idéologique et
sociétale, le second restant la variable de l'implication citoyenne de l'individu.
Le
vote de gauche est considéré comme l'un des indicateurs d'une conception de la
société plus réformiste et "libéraliste" (au sens sociétal du terme).
Par principe confidentielles, les données sont issues des sondages préélectoraux
et de sondages dit "à la sortie des urnes" pour les seconds tours
présidentiels depuis 1958, opposant en 1965, Charles De Gaulle (UNR, droite) à
François Mitterrand (CIR, gauche), en 1969, Georges Pompidou (UDR, droite) à Alain Poher
(CD, centre) en 1974, Valéry Giscard D'Estaing (RI, centre) à François Mitterrand (PS, gauche), sept ans plus tard, François Mitterrand (PS, gauche) à
Valéry Giscard D'Estaing (UDF, centre), en 1988, François Mitterrand (PS, gauche) à Jacques Chirac
(RPR, droite), en 1995, Jacques Chirac (RPR, droite) à Lionel Jospin,
(PS, gauche) puis en 2002, Jacques Chirac (RPR, droite) à Jean-Marie Le
Pen (FN, extrême droite) et enfin
en 2007, Nicolas Sarkozy (UMP, droite) à Ségolène Royal (PS, gauche).
Pour 1969 et 2002, les deux candidats du second tour étant
des politiques de droite, la gauche est représentée à défaut par Poher et
Chirac.
Comme
premier constat, le vote féminin s'est progressivement tourné vers la gauche. En
1965, les femmes y votent à 39%, soit 12 points de moins que les hommes. Cette
période s'explique par un certain conservatisme des femmes, qui viennent de
découvrir le droit de vote quelques années plus tôt et qui appréhendent avec
inquiétude les revendications libérales pour la société, défendue par la
gauche.
A
compter de 1969, on note un clivage politique moins marqué entre les deux sexes,
et ce jusqu'en 1988. En effet, même si les hommes votent toujours plus à gauche,
la différence se résorbe à 7 points maximum en 1981, avec tout de même presque
50% des femmes votant à gauche. On peut donc dire que Mitterrand a été élu par
les hommes. A partir de 1988,
l'indépendance morale et sociale des femmes a donné de
l'élan à une sensibilisation et une adhésion féminine aux thèses de la gauche :
les femmes ont accordé leur vote à 55% au candidat de la gauche, soit un peu
plus que les hommes et ce, pour la première fois.
Puis
en 1995, seuls 47% des électeurs, hommes et femmes confondus, ont voté à gauche.
C'est qu'en la personne de Chirac, nombre de français se sont reconnus, car il incarnait
une certaine continuité du gaullisme et ce que l'on pourrait appeler la droite
sociale. Pour les présidentielles de 2002, si seules les femmes avaient voté,
le FN ne serait pas passé au second tour. On peut noter clairement un rejet des
thèses frontistes par les femmes.
Enfin
pour 2007, le vote féminin de gauche a été légèrement moindre à celui des hommes.
Alors que les femmes avaient tendance à voter à gauche plus que les hommes, la particularité
de cette élection est l'inversement de cette tendance.
Plusieurs
raisons l'expliquent. D'une part, les femmes sont très critiques à l'égard de
la communication politique, et est d'autant plus sanctionnée lorsqu'elle émane d'une
femme. Ensuite, objectivement et d'après les sondages, les femmes ont été beaucoup
moins persuadées par une présidence féminine, faisant abstraction de la
personnalité intrinsèque de la candidate.
Le
deuxième critère d'appréciation retenu pour l'analyse de l'histoire du vote
féminin est son abstentionnisme (cf. le graphique Les femmes et l'abstention).
Jusqu'en 1969, l'implication
citoyenne était moindre que celle des hommes. Durant cette période d'adaptation
et de familiarisation à ce nouveau droit, on observe une différence de taux
d'abstention de 6 points entre homme/femme.
Le
taux d'abstention de 1969 fait suite au mouvement de mai 68 et à la
contestation à l'encontre de la classe politique, contestation principalement
de gauche d'ailleurs.
Pour
la période de 1969 à 1995, les femmes ont réduit ce qui faisait l'une de leurs particularités, en participant davantage à la
vie politique, avec un taux d'abstention restant toutefois légèrement supérieur
à celui des hommes. Depuis 1995, une participation au vote plus assidue s'observe,
du fait, notamment, d'une plus grande reconnaissance des femmes dans le monde
professionnel. Pour les présidentielles de 2007, on note une participation féminine
moindre que les hommes, et ce pour les mêmes raisons expliquées précédemment
pour le vote de gauche.
Ces
évolutions comportementales peuvent être organisées en plusieurs périodes. Pour
reprendre les travaux de Janine MOSSUZ-LAVAU, Directrice de recherche au CNRS
et chercheuse au CEVIPOF de Sciences Politiques Paris, on peut dégager trois phases
principales.
La première, celle de l’apprentissage, jusqu’à la fin des années 1960. Les femmes se familiarisent avec ce nouveau droit civique, présentant deux caractéristiques : une abstention forte et un vote nettement plus orienté à droite.
La seconde période, celle du décollage, couvre la
période du début des années 1970 à la moitié des années 1980. Le corps
électoral féminin participe plus assidûment aux scrutins et presque autant que
les hommes. L’écart observé sur le vote de gauche diminue en passant au-dessous
de la barre des 10 points.
La
dernière période, celle de l’autonomie, débute durant la seconde moitié des
années 1980. Pour la première fois, les femmes votent à gauche autant que les
hommes. En 1988, lors de la présidentielle, elles votent même plus à gauche que
les hommes. L'abstentionnisme féminin devient également moindre que celui des hommes.
A
la classification de Madame MOSSUZ-LAVAU, une quatrième période est à ajouter,
celle de la distanciation. Phénomène des dernières présidentielles, les tendances
s'inversent : les femmes se sont moins déplacées aux urnes et le vote féminin de
gauche a été affecté.
Plusieurs
études ont tenté de comprendre les raisons de l'évolution du comportement
électoral féminin. Les femmes ont reconnu avoir retenu comme critère sélectif,
le sexe du candidat. En effet, à la question "le sexe du candidat à
l'élection présidentielle est-il un critère sélectif pour vous ?" 27% des
femmes considéraient ce critère comme important, dont 12% pouvant être motif du
rejet de la candidate socialiste. Les hommes étaient 22% à intégrer le critère du
sexe du candidat dans leur choix électif, dont 16% avançaient la probable
raison d'un vote à droite. Le sexe des candidats a donc immanquablement joué un
rôle aux dernières présidentielles, impactant le vote féminin de gauche.
Peut-on parler d'une misogynie féminine intériorisée ?
L'abstentionnisme s'explique quant à lui, non pas par ce qui pourrait être logiquement interprété comme un désintérêt politique, mais par le rejet d'une certaine "peopolisation" de la campagne présidentielle et de ses protagonistes plus soucieux de la gestion de leur image et de l'anecdote, que du programme et de leur conviction politique. L'abstentionnisme a été, particulièrement chez les femmes, l'expression de leur mécontentement.
QUAND LE VOTE FÉMININ
DEVIENT ENJEU POLITIQUE
Analyse qualitative du suffrage féminin
1. Les caractéristiques du vote féminin
Le
vote féminin ne constitue évidemment pas un bloc électoral homogène. Toutefois
de grandes caractéristiques sociologiques peuvent être dégagées en fonction de trois
facteurs : l'accès à l'université, le taux d'activité professionnelle et la
pratique religieuse.
Tout d’abord, l'accès à l'université constitue un
critère caractéristique d'intérêt pour la politique : l'intérêt croît
proportionnellement au niveau d'études. L'enseignement supérieur est, par
essence, un préalable à la formation intellectuelle et laisse transparaître les
mécanismes politiques et fonctionnels de la société. En 1950, sur 125.000
étudiants, les femmes ne représentent que 36% des effectifs. En 1971, elles
deviennent plus nombreuses que les hommes dans l’enseignement supérieur. En 2006,
pour 2.254.000 étudiants, 56,7% sont des femmes (OVE, rapport mars 2006). Le
niveau d'études est globalement facteur d'implication politique et d'un vote
plus à gauche.
La deuxième raison, plus déterminante, tient à leur
entrée massive dans le monde du travail. Les femmes constituaient, en 1954,
34,6% de la population active. Aujourd'hui, elles représentent plus de 47% des
actifs. Leur nombre progresse notamment dans les couches socioéconomiques plus
favorisées, même si par ailleurs, elles sont encore plus nombreuses que les
hommes à être au chômage, à avoir des emplois atypiques et précaires, et de bas
salaires. L’enquête menée pour le Centre d'Etude de la Vie Politique Française, en 1978, pour les législatives, a mis en évidence l’importance du
facteur travail. En effet, plus les femmes sont actives, plus elles sont
engagées politiquement et à gauche. En revanche, les femmes au foyer et n'ayant
jamais travaillé sont plus tentées par un vote de droite. Par exemple, pour l'élection
présidentielle de 1988, 47% des femmes travaillant à temps complet ont voté à
gauche, pour 27% de celles restant au foyer.
Le troisième facteur réside dans la baisse de la
pratique religieuse. En 1952, 52% des femmes étaient des pratiquantes
régulières contre 29% des hommes. Au début des années 1990, cet écart s’est
considérablement réduit, principalement parce que le nombre global de
pratiquants n’a cessé de chuter. Or la pratique religieuse régulière est
associée à un vote conservateur. Aujourd’hui exonérées de l’emprise de
l’Eglise, les femmes n’ont plus de complexes à diversifier leurs votes.
Ces trois facteurs - éducation, travail, pratiques religieuses
- vont dans le même sens, celui d’une plus forte mobilisation électorale et
d’un plus grand engagement à gauche.
A ces critères s'ajoute la variable de l'âge. Parmi
les jeunes (moins de 35 ans), les femmes sont nettement plus nombreuses que les
hommes à voter à gauche, contrairement aux femmes plus âgées qui sont plus
sensibles aux thèses de droite. Il y a là un effet générationnel important lié
notamment au fait qu'une proportion importante des femmes plus âgées se révèle
être catholiques pratiquantes et femmes au foyer et/ou n'ayant jamais travaillé,
critères sociologiques prédisposant un vote à droite. Toutefois, globalement plus
nombreuses à se situer à gauche, elles le sont également chez les
"ni-ni", ni gauche - ni droite.
Enfin, les femmes sont moins sensibles aux thèses des extrêmes, qu'elles soient de gauche ou de droite. En effet, une analyse faite par Janine MOSSUZ-LAVAU révèle les motivations de ce rejet, lors de la présidentielle de 2002. Ce refus de l'extrême droite s'explique notamment par le caractère guerrier du FN et les attaques récurrentes des dirigeants frontistes à l'encontre des conquêtes des femmes, notamment le droit de disposer de leur corps, avec l'IVG ou la contraception. Concernant l'extrême gauche, le ressenti féminin est généralement celui de l'appréhension de l'utopisme. En effet, globalement leur capacité de gestion, de par le rôle familial dans lequel elles ont été confinées durant des décennies, leur donnent une perception particulièrement efficace de la "transposablilité" et application d'actions et de promesses politiques. C'est pourquoi, les femmes votent en grande majorité pour les partis de gouvernement.
2. Les femmes et les sensibilités
politiques
Sur la base d'une enquête réalisée auprès de 151
personnes, reprenant les questions d'un sondage CEVIPOF de 2007, abordant
plusieurs thèmes : sociétal, économique et politique, les conclusions suivantes
ressortent :
Abordant les questions économiques, les femmes sont largement
disposées à reconnaître les bienfaits du libéralisme économique, bien qu'en en
étant légèrement moins persuadées que les hommes (76% contre 78%). La question
du chômage est une question à laquelle les femmes sont plus sensibles et positionnée
comme priorité des politiques à mener, tout comme l'augmentation du SMIC à
porter à 1.500€, sujet de campagne aux dernières présidentielles. Ces positions
sont probablement issues des discriminations professionnelles au travail dont
elles sont ou ont été victimes.
Globalement, les femmes sont peu confiantes en l'avenir.
En effet, la mesure de l'indice de confiance, sondage récurrent dans les médias,
démontre un pessimisme plus systématique chez les femmes que chez le sexe
opposé, qu'il s'agisse de l'avenir de la planète, des conditions économiques, ou
de la confiance envers la classe politique. De même, les femmes sont particulièrement
sensibles aux problèmes de l'insécurité, et plus ferventes demandeuses de
mesures sécuritaires (de manière étonnement significative, 44% souhaiteraient
le rétablissement de la peine de mort, contre 38% des hommes – cette classe de
population étant distinctement constituée de personnes de plus de 35 ans), ce
qui peut se justifier par un sentiment de vulnérabilité. La radicalité de cette
position est surprenante en comparaison de la volonté féminine de pacification
des relations internationales.
Enfin, concernant les thèmes sociaux et sociétaux, les femmes sont généralement plus tolérantes et libérales que les hommes. Deux exemples : les femmes sont plus de 50% à vouloir accorder la possibilité de se marier aux couples homosexuels (contre 43% des hommes) et 83% souhaitent une législation encadrant l'euthanasie. Egalement, en politique, 61% des femmes sont convaincues que les choses iraient mieux si plus de femmes étaient en politique (+10 points par rapport aux hommes) et 63% pensent que la démocratie participative devrait être un mode de gouvernance plus fréquemment utilisé (contre 52% des hommes).
(en rouge : thème
social, en bleu : thème économique, en vert : thème politique)
CONCLUSION
Le poids électoral des femmes, souvent sous-estimé ou
méconnu, est indéniable et répond à plusieurs caractéristiques qu'il serait
inconsidéré de négliger, d'autant que leur assiduité aux urnes se confirme. Les
femmes, représentant plus de la moitié des électeurs français, entretiennent un
rapport subtil avec la politique et aspirent au libéralisme social, tout en
prônant une conception non pas sécuritaire, mais protectrice de la société. Bien
que leur fidélité politique soit relative, les électrices ont tendance à
accorder plus facilement et de manière constante leur vote à gauche aux
dernières échéances électorales.