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Oxytoyen
22 juin 2008

Les Papys font de la résistance

Qu'arrive-t-il aux Sénateurs ? En plein processus de réforme constitutionnelle, le Sénat refuse une par une de nombreuses mesures proposées par l'Assemblée Nationale : le vote des étrangers aux élections locales, la reconnaissance des langues régionales dans la Constitution, le droit de grâce et en propose de nouvelles comme l'inscription du pluralisme de la représentation... mais suit la majorité sur le refus du décompte du temps de parole présidentiel dans les médias.

Pour la question du droit de vote des étrangers, plusieurs amendements socialistes, verts, PRG et communistes demandant ce droit de vote ont été repoussés par la majorité avec l'appui du gouvernement. Le débat suscité par la question, a fait l'objet d'un vif échange entre la Ministre de la Justice, Rachida Dati et le groupe socialiste, la première arguant le non-respect des promesses des seconds "François Mitterrrand et Lionel Jospin l'avaient mis dans leurs engagements de campagne, celà n'a jamais été mis en oeuvre. Nicolas Sarkozy n'a pas pris d'engagement là dessus, nous n'avons donc pas de leçons à recevoir de la gauche". Les socialistes se défendant de n'avoir jamais pu inscrire la question à l'ordre du jour, l'ordre du jour des séances au Sénat étant verrouillé par l'UMP, qui ne veut pas en entendre parler, tant qu'il ne sera pas conditionné à la S_natréciprocité. A mon sens la réciprocité est un prétexte. Pourquoi donc conditionner l'obtention d'un droit fondamental de la reconnaissance de la société à un individu, alors même que celui-ci est attaché au pays d'accueil, sous prétexte que le pays d'origine ne permet pas cette possibilité pour les ressortissants français ? Ce refus pose la question plus générale de notre politique d'intégration... qui s'est révèlait désastreuse notamment lors de la crise des banlieues.

La reconnaissance des langues régionales a pour origine un amendement UMP, déposé en première lecture à l'AN, et est un sujet hautement conflictuel dans la mesure où la conception même de l'identité française et du concept français de l'Etat nation est pour certains remis en cause. En l'espèce, il s'agissait d'inscrire les langues régionales (environ 400 en France) au "patrimoine de la Nation". La France, à l'identité jacobine, il faut le reconnaître, n'est ni l'Espagne, ni l'Italie... et considère le pluralisme linguistique comme pouvant porter atteinte à l'identité nationale,  ce qui d'ailleurs a été déclaré par l'Académie Française, particulièrement muette d'ordinaire. Ce rejet par le Sénat met un froid au sein de l'UMP particulièrement : les députés considérant le Sénat comme "un frein à la modernité" (Marc Le Fur, député UMP des Côtes d'Armor), les sénateurs déclarant que les députés UMP "font un peu n'importe quoi" (Patrick Gélard, sénateur de Seine-Maritime). Personnellement, je n'étais pas favorable à cet amendement et suis content de suivre le Sénateur Robert Badinter sur ce sujet. Je considére effectivement les langues régionales comme faisant partie de l'histoire, du patrimoine français et qu'il faut les conserver. Cependant, à l'heure de l'Europe, les graver dans la Constitution est contraire à la nécessaire ouverture idéologique de la France. Quel avenir que de parler une langue régionale sans pouvoir être compris hors de son périmètre restreint ? Je ne pense pas qu'il faille évidemment les supprimer bien au contraire, mais le communautarisme et le repli sur soi n'a jamais été gage d'ouverture. Cultiver la spécificité oui, mais pas la constitutionnaliser.

Le droit de grâce devait être plus cadré suite à la réforme des institutions. En effet, actuellement le Président en disposait seul. Il était question de soumettre pour avis à une commission. Les Sénateurs ont décidé de supprimer cette "extension". Ce rejet illustre bien la conception et philosophie très gaullienne des Institutions chez les Sénateurs. Il est impensable de penser que les Sénateurs puissent considérer amoindrir le pouvoir du Président, avec un simple avis d'une commission, sur un pouvoir discrétionnaire par définition. L'ombre ne devrait en aucun cas être privilégié à la lumière...

Sans surprise, le décompte du temps de parole du Président de la République dans les médias audiovisuels ne sera pas. Norme informelle et jurisprudentielle du CSA, la règle des trois tiers : un tiers gouvernement, un tiers majorité parlementaire et un tiers opposition parlementaire, sera maintenue. Cette éviction par le Sénat n'est pas sans poser problème à l'aboutissement de la réforme des Institutions, le PS ayant conditionné son vote à cette mesure notamment. A mon sens, le PS se trompe en se focalisant sur cette mesure, en réponse à la surmédiatisation conjoncturelle du Président. Le Président ne peut, de par son statut, être cadré dans son temps de parole. Si tel était le cas, la Constitution n'a pas à être le support d'une telle mesure.

L'inscription du pluralisme de la représentation est une habile formulation pour tenter de constitutionnaliser la proportionnelle. Le Président du groupe centriste au Sénat, Michel Mercier, a défendu un amendement demandant l'inscription dans la Constitution que la loi garantit le pluralisme de la représentation. Mais par une subltile manœuvre permettant de le faire tomber, l'amendement de Michel Mercier, qui avait recueilli le soutien de tous les bancs du Sénat (hormis de l'UMP) et pouvait donc être majoritaire, n'a pu être soumis au vote. Les socialistes les ont remercié dans les couloirs ensuite ! A mon avis, ce n'est pas une mauvaise chose que la proportionnelle ne soit pas un mode de scrutin privilégié, il a généralement pour conséquence une instabilité politique constante, cf l'Italie.

Enfin, plusieurs mesures ont été adpotées par les deux Chambres, dont la restriction à deux du nombre de mandats consécutifs pour le Président de la République notamment.

Je ferais toutefois attention à deux mesures prochainement discutées, qui sont :
- Un droit au retour au Parlement pour les ministres, à savoir, qu'ils auraient la possibilité lorsqu'ils quittent le gouvernement et étaient parlementaires au moment de leur nomination, de retrouver automatiquement leur siège sans avoir à affronter une élection législative partielle. Cela s'appelle "constitutionnaliser le fait du Prince".
- La tenue obligatoire d'un référendum pour tout nouveau membre de l'UE. Cette proposition n'est autre qu'une mesure à peine cachée faite à l'encontre de la Turquie. Un référendum serait donc automatique sur l'adhésion d'un pays "lorsque la population de cet État représente plus de 5% de la population de l'UE". C'est amusant de voir comment on s'intéresse aux citoyens, lorsqu'ils vont dans le "bon sens", pour légitimer une position de politique extérieure difficilement assumée.


Cette réforme promet de nombreux échanges à venir. La suite prochainement...

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