Les raisons d'une génération désenchantée ...
Nul ne peut remettre en question la notoriété des dessins animés de Walt Disney. Comme nul ne peut remettre en cause la responsabilité de Walt Disney dans les maux psychologiques, sexuels et sentimentaux d'une génération toute entière, celle des 15-30 ans...
La
société est en constante évolution, notamment dans ses rapports entre les
individus et leur conception de la vie amoureuse. Et quoi de plus fondamental
pour l'individu que de se positionner à ce niveau, bien avant même que sur le
plan social ou professionnel.
Au fil des années, de nombreux schémas sont devenus possibles pour vivre sa vie : vie de couple et mariage, célibataire, amant, colocation, union libre... On ne peut que se réjouir de cette libéralisation des mœurs. La liberté de choix est sans commune mesure préférable aux dogmes ancestraux défendant la vie de couple comme seul schéma acceptable, inévitablement familial. Auparavant les célibataires étaient suspectés d'anormalité. Qui a dit qu'il fallait être en couple pour être heureux ?
Pour
faire simple, imaginons la scène.
Nouvellement créé, je me rends au
Centre d'Information et d'Orientation Personnelle (inspiré des Centres
d'Information et d'Orientation, pour les jeunes sur le plan professionnel). Un
conseiller me reçoit et me fait remplir une feuille, sur laquelle une flopée de
questions particulièrement intimes. Je me suis senti très mal à l'aise au
début, je l'avoue.
Je commence. Dans quel cadre
souhaiteriez vous évoluer ?
Catégories : Vie de couple, PACS, union libre, célibataire,
amant/maîtresse, autres
Quel partenaire ?
Sexe opposé, même sexe, indéfini, ne
sais pas, autres
Puis une série de sous catégories
étaient proposées : fidélité, épanouissement sexuel, épanouissement
sentimental, mariage, parentalité, nombre de partenaires souhaités, etc.
Donc au bout d'une heure d'entretien,
j'avais le choix entre deux possibilités...
Et j'ai fait part au conseiller de
l'ambivalence entre ce à quoi j'aspirai et ce qui m'était dicté inconsciemment...
Il me regarde, regarde ma fiche, et me dis "c'est normal, vous êtes de la
e d'âge perturbée".
Je lui demande pardon et de m'expliquer
la raison de cette remarque. Il me semblait beaucoup moins sympathique qu'au
début.
Puis, il me dit d'un ton assuré :
"C'est pas de votre faute, mais celle de Walt Disney".
Surpris, il m'explique.
Quand je suis sorti, même si je n'étais
pas plus avancé, mais j'ai compris certaines choses.
Cette
histoire (fictive, si jamais ...) montre la multitude de combinaisons possibles,
mais pour une génération principalement : les actuels 20-30 ans, avec de
probables débordements sur les plus jeunes. Pour les plus âgés, il est plus
difficile d'envisager des schémas trop "originaux".
Cette
génération "perturbée", celle même qui commence à s'investir dans une
relation, a effectué ses choix pour l'avenir, se trouve confrontée à un dilemme
digne de Shakespeare, entre les "options proposées et que je souhaiterai
retenir" et les "options que je pensai vouloir et qu'après réflexion,
ne me correspondent pas".
Pourquoi,
ne pas simplement opté pour ce que l'on aimerait ? Et bien la réponse est
simple, nos idéaux personnels sont fortement inspirés, voire formatés par les
schémas familiaux (dont on se détache bien plus volontiers depuis des années)
et les schémas des dessins animés de Walt Disney.
Cette seconde explication peut paraître originale. Sans contester la popularité des films et le fait que nombre d'enfants connaissent chacun des personnages, nous allons rapidement regarder les évolutions de scénario.
Première phase :
- Jusqu'à la fin des années 1950
- Dessins
animés : Cendrillon, Blanche-Neige, La Belle au Bois Dormant...
Les scénarii utilisent des personnages aux destins
magiques. Il est question de princesses, de châteaux, de royaumes... Les
personnages sont humains, les héros "conventionnels" et ils évoluent conformément
aux schémas sociaux de l'époque (famille, mariage...), dans un environnement plutôt
réaliste (outre Fantasia).
- Jusqu'à la fin des années 1970
- Dessins
animés : les 101 Dalmatiens, les Aristochats...
Cette phase peut être considérée comme plus légère de
par les thèmes abordés et les aventures des protagonistes. Les personnages sont
des animaux. Leurs quêtes et aventures sont plus altruistes et les histoires
amoureuses moins centrales. Le spectateur est toujours bercé dans un monde
enchanté où les méchants sont rapidement identifiés.
- Jusqu'au milieu des années 1990
- Dessins
animés : La Belle et la Bête, Aladdin, La Petite Sirène ...
Cette période est un compromis entre les deux
premières phases avec un retour au féerique et des intrigues amoureuses
centrales. Les animaux sont beaucoup plus présents. Cette phase est celle qui a
été la plus personnalisée, car toujours la dimension féerique, respectant les
schémas sociaux et amoureux types.
- Jusqu'au début des années 2000
- Dessins
animés : le Bossu de Notre-Dame, Mulan ...
Période la plus courte mais aussi la plus grave. Les
scénarii sont plus lourds et abordent des questions plus délicates, comme le
travestissement de Mulan, l'acceptation de sa situation par Quasimodo, des
scènes un peu plus dures, plus "violentes", montrant l'homme moins
bon, la fin pas telle qu'espérait ... Mais toujours des histoires d'amour, et plus
difficilement envisageable.
- Jusqu'à aujourd'hui
- Dessins
animés : Monstres et Compagnie, la Ferme se rebelle, Ratatouille, Cars
Les histoires sont beaucoup plus légères à nouveau. La
fonction divertissement est revenu comme pour la deuxième période. Il y a beaucoup
moins d'histoire d'amour, et apparition des héros animaux et/ou objet. Avec des
mondes plus féeriques, moins graves, et ou le destin des personnages est
moindre (hormis Frère des Ours). De plus, correspond à la nouvelle génération de
dessins animés en 3 D.
Et c'est justement cette génération qui a été la plus réceptive à la période, dite "classique" où les films avaient des intrigues essentiellement amoureuses avec des héros aux personnalités stables et aux volontés claires, aux happy end, avec mariage et enfants.
C'est
alors, que pour cette génération, les aspirations se calquent à ce qui était
représenté comme un idéal auquel il faudrait tendre.
Pour
en revenir à cette génération "perturbée", l'impact de Walt Disney
est évident en partie responsable des tortures psychologiques, rendant chaque
rupture un psychodrame, chaque déception une remise en cause cornélienne.
Car
nous savons avoir la possibilité d'opter pour des schémas plus adaptés à notre
mode de vie personnelle, mais nos idéaux disneyiens nous restreignent dans
l'acceptation d'une telle situation. Il y a une autocensure.